Vous avez peut-être déjà entendu parler du concept sans forcément connaître son nom : les Raffles (prononcer à l'anglaise...) sont des tirages au sort qui offrent au gagnant la possibilité d'acheter une paire de shoes en édition limitée. Ce phénomène, initialement réservé aux puristes et passionnés des sneakers, touche désormais le monde du skate, notamment par l'intermédiaire de Nike SB. Alors parce que je trouvais cette tendance assez dingue, voici une mini enquête pour répondre aux questions que je me suis posées...
Le principe des raffles
Les paires concernées par les raffles sont des sneakers en éditions limitées. Et forcément, en économie, plus c'est rare, plus ça vaut cher. Pourtant, le principe d'une raffle, c'est justement d'offrir la possibilité d'acheter ces chaussures à un prix classique, sans tenir compte de leur vraie valeur sur le "marché secondaire" (à la revente). Le prix des paires proposées en raffle varie donc bien souvent entre 100 et 150€, alors que leur prix à la revente peut parfois atteindre plusieurs milliers d'euros. Et ouais.
C'est écrit petit, mais c'est bien écrit : "dernière vente : 27 500€" |
Autrement dit, on sait dès son lancement que la paire sera une trèèès bonne affaire, ce qui explique que la demande soit immédiatement très forte.
Ce principe ne date pas d'hier. Sauf qu'avant, pour faire main basse sur ces éditions limitées, il fallait subir les longues files d'attente devant les shops, avec les risques qui y sont liés (insécurité des attroupements, etc). Pour pallier à cela, Nike décide en 2010 au Japon de proposer ces modèles limités en ligne : désormais, ce n'est plus le principe du "premier arrivé premier servi", mais un tirage au sort où tout le monde a "théoriquement" la même chance de gagner.
La simplicité de participation depuis son canapé permet à ces raffles d'intéresser de plus en plus de monde.
Sauf que bien sûr, pour maintenir l'attrait de ces opérations, la marque doit bien maîtriser les règles du jeu.
Concrètement, comment ça marche ?
Pour expliquer le fonctionnement, je prendrai l'exemple de la marque la plus influente sur les raffles dans le skate : Nike SB. Ce n'est pas la seule à en organiser (New Balance, Adidas, Vans, ou Converse en font aussi), mais c'est clairement celle qui génère le plus d'engouement. Le shop parisien Vega organise fréquemment ces raffles, et a sympathiquement répondu à mes quelques questions pour mieux comprendre les différentes étapes.
1 : la marque sélectionne des skateshops éligibles
Nike identifie d'abord des shops qui seront éligibles à l'organisation de ces raffles, en fonction de leur "niveau d'influence". Le chiffre d'affaires, la notoriété sont notamment des indicateurs qui sont analysés.
Suite à cela, les shops sont catégorisés en 2 pools, l'un ayant la possibilité d'organiser des raffles, l'autre... non. Rien n'est figé (dans un sens ou dans l'autre d'ailleurs), mais bien évidemment, Nike connaît la valeur de ces raffles pour les revendeurs, et n'en fait profiter que ceux qui peuvent leur offrir un maximum de bénéfices marketing.
2 : les skateshops achètent les paires selon le quota alloué
A chaque raffle, Nike propose un quota de paires disponibles à l'achat pour les shops éligibles, qui n'ont pas de marge de manoeuvre sur les quantités. Lorsqu'il s'agit de paire en éditions limitées comme ici, le shop ne choisit pas non plus les tailles qui lui seront allouées. Rien ne l'oblige à acheter ce stock proposé bien sûr, mais il n'y a pas vraiment de raisons de refuser : les paires seront vendues quasi instantanément...
Une fois le stock acheté, le magasin peut concrètement en faire ce qu'il veut. Les donner, les garder pour lui, bref, tout. Rien ne l'oblige donc à les mettre en vente, même si financièrement c'est quand même la solution optimale... Et puis si un shop s'amuse à faire n'importe quoi, il peut facilement se faire supprimer de la liste des éligibles...
Pour les paires mises en ventes, un prix de vente est conseillé par la marque, mais le shop reste libre du prix de vente final. Mais là encore, mieux vaut éviter de faire n'importe quoi :)
3 : les skateshops organisent la release
La release, c'est la sortie. (ouais on sort les mots techniques)
Le shop est complètement libre sur la façon de mettre en vente les paires. Ils pourraient très bien les poser en rayon et attendre que ça se passe, mais cette solution limiterait clairement l'intérêt marketing de l'opération...
Certains font toujours du "1er arrivé 1er servi en shop (mais beaucoup plus rares), mais la méthode du tirage au sort est presque toujours plébiscitée : certains font des concours via instagram, ou d'autres, comme c'est le cas de Vega, utilisent des applications (ex : Sneaker draws) qui s'occupent de gérer l'intégralité du tirage au sort.
Insta @vega_skateshop |
insta @digital_skateshop |
Les gagnants sont ensuite contactés pour aller acheter leur précieux sésame au shop.
Entre parenthèses, à chaque fois que j'écris ça, ça me fait bizarre. Un tirage au sort pour avoir le droit d'acheter une paire à un prix normal (si tenté que 120€ soit le prix normal d'une paire de shoes), c'est quand même fou. Je n'ai pas réussi à avoir d'infos de la part de Nike (et pas sûr qu'ils m'en auraient donné), mais c'est quand même un sacré tour de force d'avoir réussi à mobiliser les gens pour leur offrir la possibilité... d'acheter.
Mais si ces raffles fonctionnent (de mieux en mieux), c'est que chacun y trouve des intérêts...
Un concept où tout le monde trouve son compte...
Avec l'engagement systématiquement très fort autour des raffles, la marque, les revendeurs, et même les acheteurs peuvent sortir gagnant.
- les intérêts pour les marques
Comme le précise Sneakernstuff : "à la base les marques ont créé les raffles pour susciter l’envie chez le consommateur". C'est tout bête. Quand c'est rare, on le veut.Si Nike vendait ses nouvelles paires sans stock limité, d'abord la chaussure n'atteindrait pas une telle valeur, puis il n'est pas dit que toutes les paires produites s'écouleraient, et forcément à moyen/long terme, la hype de la marque serait aussi affectée. Avec les raffles, c'est la marque qui contrôle tout, y compris la demande.
- les intérêts pour les skateshops
Pour le shop, c'est aussi un puissant levier de vente, qui ne nécessite aucun effort de communication.Positif financièrement donc, puisque les paires achetées seront systématiquement vendues, et positif également côté notoriété. Les organisateurs de raffles s'offrent un nouveau public de passionnés, et boostent immédiatement leur visibilité. A titre d'exemple, depuis l'organisation des raffles, le compte insta de Vega est passé de 1,5K abonnés à 30K en 1 an.
- les intérêts pour les gagnants/acheteurs :
Pas difficile de comprendre l'intérêt d'un consommateur à acheter une paire de sneakers à un prix inférieur à sa valeur. Ça ne va pas chercher plus loin...
C'est d'ailleurs ce qui explique la forte augmentation de cette tendance ces dernières années, avec l'arrivée, en plus des passionnés désormais minoritaires, de revendeurs plus opportunistes qui remettront directement leur paire en vente au prix du marché fixé par la demande, sur des sites comme StockX.
Ces plateformes permettent d'acheter ou de vendre des sneakers collector à des prix parfois exhorbitants, de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros. Et quand tu arrives sur ce genre de sites, les prix foutent le tournis.
Des sites comme StockX permettent d'acheter ou de vendre ses sneakers au prix fixé par l'offre et la demande. Qui pour une paire à 8 663€ ? |
Pour conclure...
La raffle est un phénomène basé sur l'attractivité d'une marque. Forcément, cela ne fonctionnerait pas pour une petite marque inconnue.
Pour tout vous dire, en démarrant cet article, j'avais une idée assez négative du concept mais finalement, dès lors que l'attractivité est au rendez-vous, je me dis que tout le monde sort gagnant. Ceux que j'ai le plus de mal à comprendre (mais qui permettent à tout ce mécanisme de fonctionner...), ce sont les acheteurs en "bout de chaîne", capables d'acheter la fameuse paire plusieurs milliers d'euros ! Peut-être que je creuserai la chose dans un prochaine article... ;)
Comme on peut s'en douter, il existe aussi certaines dérives, notamment en fonction des méthodes de tirage au sort, qui peuvent parfois biaiser la parfaite égalité des chances. Je ne m'y étendrai pas et c'est un autre sujet, mais ce qui est sûr, c'est que quand tu casais ta tente devant le shop 2 jours avant une sortie, ça ne laissait pas de place au hasard.
A lire aussi : comprendre les étapes de construction d'un skatepark
Autres sources :
https://hypebeast.com/fr/2018/6/sneakers-raffles-reglement-air-jordan-1-off-white
https://www.konbini.com/fr/lifestyle/passion-sneakers-marche-resell/
https://hypebeast.com/fr/2018/6/sneakers-raffles-reglement-air-jordan-1-off-white
https://www.konbini.com/fr/lifestyle/passion-sneakers-marche-resell/
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